Ediriweera Sarachchandra — එදිරිවීර සරච්චන්ද්ර [1914 – 1996]
Ediriweera Sarachchandra nait le 3 juin 1914 à Galle, au sud de Sri Lanka (alors Ceylan). Son père, Charles Francis de Silva, est un villageois qui a intégré la fonction publique comme maitre de poste. Sa mère, Lydia de Pinto, est une institutrice du village de Ratgama dans le sud de Sri Lanka.
Destiné par ses parents à une carrière dans la haute fonction publique, le jeune Ediriweera fréquente des établissements scolaires anglophones du sud de Sri Lanka et de la région de Colombo. Bien que ces écoles soient toutes chrétiennes, il est éduqué dans la tradition bouddhiste comme la majorité de ses compatriotes.
Sarachchandra est sensible à la renaissance culturelle indienne dont la figure de proue est l'écrivain et poète bangali, Rabîndranâth Tagore (1861–1941), ainsi qu'aux mouvements nationalistes srilankais. Il découvre également la vie culturelle très riche des divers villages srilankais où son père est affecté.
Sarachchandra commence sa carrière comme enseignant au St. Peter's College de Colombo. En 1933, il est admis à la Ceylon University College où il suit une formation en sanskrit, pâli et singhalais.
Au début de ses études universitaires, il assiste à Colombo à la représentation de Tagore et de sa troupe ainsi qu'à celle du danseur indien Uday Shankar. Fasciné par ces expériences, Sarachchandra apprend à jouer du sitar, et avec des amis, forme une association pour la musique orientale à l'université. À cette époque, il commence à écrire des articles sur la musique et le folklore singhalais. Il choisit alors Sarachchandra, nom célèbre dans la littérature bengalie, comme nom de plume et plus tard, officiellement, comme nom de famille.
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En 1939, tout juste marié, Sarachchandra se rend avec son épouse à Santiniketan, une ville du Bengale fondée par Tagore, pour étudier la philosophie indienne et la musique. De retour à Sri Lanka en 1940, il reprend sa carrière d'enseignant au St. Thomas' College de Mount Lavinia. En 1942, il obtient une maitrise en philosophie indienne de l'université de Londres. De 1944 à 1947, Sarachchandra est enseignant de pâli à l'université de Ceylan. Il est admis à l'université de Londres en 1947 afin de préparer un diplôme d'études supérieures en philosophie occidentale qu'il obtient en 1949.
Le théâtre est la passion de sa vie. En tant que jeune professeur à l'université de Ceylan, Sarachchandra réalise des adaptations singhalaises de Molière (1943, 1953), de Gogol (1945), d'Oscar Wilde (1949) et de Tchékhov (1951). Malgré leurs qualités, ces pièces ne touchent qu'un public restreint. Selon les propres mots de Sarachchandra, le théâtre occidental « n'atteint pas le cœur de son peuple. » Il parcourt les villages à la recherche de modes d'expression dramatique qui y parviennent mais cette quête s'avère difficile. En préface de son ouvrage Folk Drama of Ceylon, il écrit :
Avec l'urbanisation rapide des villages, la plupart des spectacles populaires ont disparu ou se sont profondément transformés, de sorte qu'il faut souvent aller dans des endroits reculés pour parvenir à des productions authentiques. Même dans ces zones éloignées, le théâtre et les divertissements similaires ont cessé de faire partie du quotidien villageois. Les propriétaires terriens de ces villages n'ont souvent pas les ressources pour favoriser ces spectacles, et les acteurs sont à la recherche de moyens plus faciles de gagner leur vie. Les jeunes cultivent également des gouts différents.
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Son étude Folk Drama of Ceylon qui fait autorité sur les diverses formes du théâtre populaire singhalais dont le nāḍagama, est publiée en 1952. Elle lui permet d'obtenir une bourse de la fondation Rockefeller pour l'étude des arts dramatiques en Chine, au Japon et aux États-Unis. Constatant la vitalité des théâtres traditionnels nô et kabuki au Japon, il aspire à raviver le théâtre classique singhalais pour un public contemporain. Sarachchandra écrit : « C'est lorsque j'ai vu le nô et le kabuki […] que le concept du théâtre oriental a pris forme dans mon esprit. »
Sarachchandra crée en 1956 la pièce Manamē, modelée en partie sur le style nāḍagama. Le nāḍagama, d'origine tamoule mais adapté et intégré dans le théâtre populaire singhalais, possède une forme comparable au kabuki. Sarachchandra raffine le style nāḍagama et le raccourcit – traditionnellement un nāḍagama peut durer toute une nuit –, mais il en conserve les caractéristiques les plus importantes. Les personnages chantent et parlent dans une prose rythmée tandis qu'un narrateur et un chœur commentent l'histoire. Tambours, cymbales, chansons et danses sont utilisés tout au long de la pièce. Les costumes et la musique de Manamē sont directement repris du répertoire des nāḍagama. Pour Sarachchandra, c'est du « théâtre total, utilisant toutes les formes d'art pour communiquer avec le public. » L'histoire de Manamē est le jātakā (histoire des nombreuses vies antérieures du bouddha) Culla Dhanuggaha.
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Cette pièce est jouée pour la première fois dans un lieu unique à Sri Lanka : le théâtre de verdure de l'université de Peradeniya, qui porte aujourd'hui le nom de Sarachchandra.
L'alliance du récit traditionnel et d'une mise en scène novatrice garantit un succès immédiat à Manamē et marque le début d'une nouvelle période d'expérimentation et de créativité théâtrale. Près d'une décennie après l'indépendance, le théâtre srilankais, marginalisé durant la période coloniale, devient un mode d'expression artistique dynamique qui suscite l'enthousiasme du public. Ce réveil du théâtre souffle aussi un vent nouveau sur la danse et la musique du pays. Sarachchandra écrira en 1969 : « On ne peut manquer d'être frappé par l'enthousiasme pour [l'art dramatique] qui semble s'être emparé de l'esprit des jeunes d'aujourd'hui, ainsi que par l'abondance des aptitudes cachées qui cherchent à trouver leur expression. »
Sarachchandra continue à expérimenter. Pēmatō jāyati sōkō est un opéra de 1957 mis en musique dans le style d'Inde du Nord et inspiré en partie du théâtre chinois.
Son chef-d'œuvre de 1961, Siṁhabāhu, est de nouveau dans la tradition nāḍagama. Siṁhabāhu raconte la légende de l'origine du peuple singhalais, mais Sarachchandra élève ce mythe à un niveau universel.
Considéré comme l'un des meilleurs dramaturges de Sri Lanka, auteur de plus d'une vingtaine de pièces de théâtre, Sarachchandra est également un critique littéraire prolifique. Sur les questions sociales et politiques, Sarachchandra exprime ses opinions, fréquemment et sans crainte. De 1974 à 1977, il est ambassadeur de Sri Lanka en France.
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Les romans et les nouvelles de Sarachchandra, d'une grande diversité, offrent une analyse incisive du mode de vie contemporain. Curfew and a Full Moon (1975, pour la version singhalaise, 1978, pour l'adaptation en anglais par l'auteur) porte sur l'insurrection armée de la jeunesse srilankaise en 1971. Cet ouvrage contraste avec son roman en langue anglaise, With the Begging Bowl (1986), résultat de son expérience de diplomate à Paris. Il y décrit avec humour le sort des diplomates désargentés des pays du tiers-monde. Foam upon the Stream : A Japanese Elegy (1987) réunit dans sa version anglaise deux romans écrits initialement en singhalais. Elles sont un portrait émouvant de la relation amoureuse entre une jeune Japonaise et un artiste srilankais.
En 1988, Sarachchandra reçoit le prix Ramon Magsaysay de littérature, équivalent asiatique du prix Nobel.
Ediriweera Sarachchandra décède à Colombo le 16 aout 1996 à l'âge de 82 ans. Considéré comme le père du théâtre moderne à Sri Lanka, ses pièces restent toujours très populaires.
Œuvres (liste non exhaustive)
Théâtre
- 1943 මුදලාලියගේ පෙරළිය (mudalāliyagē peraḷiya). Adaptation du Bourgeois gentilhomme de Molière (avec A.P. Gunarathne)
- 1945 කපුවා කපෝති (kapuvā kapōti). Adaptation du Mariage (Женитьба) de Nikolaï Gogol (avec A.P. Gunarathne et D.J. Wijeratne)
- 1949 හැංගිහොරා (hæṁgihorā). Adaptation de L'Importance d'être Constant (The Importance of Being Earnest) d'Oscar Wilde
- 1951 උත්තර රාම චරිතය (uttara rāma caritaya). Adaptation d’une œuvre de John de Silva
- 1951 තරුණ ලේකඛයා (taruṇa lēkakhayā)
- 1951 බහින කලාව (bahina kalāva)
- 1951 සත්ව කරුණාව (satva karuṇāva)
- 1951 මඟුල් ප්රස්තාව (man̆gul prastāva). Adaptation de l'Anniversaire (Именины) d'Anton Tchékhov (avec U.A. Gunasekara)
- 1951 වලහැඩියා (valahæḍiyā). Adaptation de l'Ours (Медведь) d'Anton Tchékhov (avec U.A. Gunasekara)
- 1952 පබාවති (pabāvati)
- 1953 වෙද හටන (veda haṭana). Adaptation du Malade imaginaire de Molière (avec D.J. Wijeratne et A.P. Gunarathne)
- 1954 රත්තරන් (rattaran)
- 1955 කිරි මුට්ටිය ගඟේ ගියා (kiri muṭṭiya gan̆gē giyā)
- 1955 ගත්කරු පිස්සුව (gatkaru pissuva)
- 1955 නෑදෑයෝ (nǣdǣyō)
- 1955 වට පුලුවේ ගෙවල් බිඳලා (vaṭa puluvē geval bin̆dalā)
- 1955 වඳින්න ගිය දේවාලේ (van̆dinna giya dēvālē)
- 1955 වල ඉහගෙන කෑම (vala ihagena kǣma)
- 1956 මනමේ (manamē)
- 1957 පේමතෝ ජායති සෝකෝ (pēmatō jāyati sōkō). Love is the bringer of sorrow. Traduction anglaise par David Montague de Silva. Salzburg : Inst. f. Engl. Sprache u. Literatur, Univ. Salzburg, 1976.
- 1959 එලොව ගිහින් මෙලොව ආවා (elova gihin melova āvā)
- 1959 කදා වළලු (kadā vaḷalu)
- 1960 වෙල්ලවැහුම් (vellavæhum)
- 1961 ඒකට මට හිනා හිනා (ēkaṭa maṭa hinā hinā)
- 1961 සිංහබාහු (siṁhabāhu)
- 1968 මහාසාර (mahāsāra)
- 1980 වෙස්සන්තර (vessantara)
- 1985 ඈ නුවන් ලැබුවා (ǣ nuvan læbuvā)
- 1985 ගොම්මන් කෙකිණිය (gomman kekiṇiya)
- 1985 ලෝමහංස (lōmahaṁsa)
- 1989 බවකඩතුරාව (bavakaḍaturāva)
- 1993 යෙර්මා (yermā). Adaptation de Yerma de Federico García Lorca (avec Sunil Ariyarathne)
Nouvelles
- 1946 ප්රන්ස කෙටි කථා (pransa keṭi kathā). Traduction de 12 nouvelles françaises de Guy de Maupassant, Charles-Louis Philippe, Alphonse Daudet et Augustin Eugène Scribe
- 1969 කාලයාගේ ඇවෑමෙන් (kālayāgē ævǣmen)
- 1970 රැජිණක් සහ ගණිකාවක් පිළිබඳ (ræjiṇak saha gaṇikāvak piḷiban̆da). Of a Queen and a Courtesan
- 1974 මායං රූපය (māyaṁ rūpaya)
- 1975 රුසියන් කෙටි කථා (rusiyan keṭi kathā). Traduction de six nouvelles russes (avec A.P. Gunarathne) de Maxime Gorki, Anton Tchékhov, Léon Tolstoï...
- 1981 මිතුරෙකුගේ මරණය (miturekugē maraṇaya). The Death of a Friend
- 1984 රූප සුන්දරී (rūpa sundarī)
- 1989 අසලියා මල් (asaliyā mal). Traduction d'Au bord du lac (比良のシャクナゲ, Hira no shakunage) de Yasushi Inoue
- 1990 වෙඩික්කාරයා (veḍikkārayā). Traduction du Fusil de chasse (猟銃 Ryōjū) de Yasushi Inoue
- 1993 මිඩිය, ගෘහණිය හා උපාසිකාව (miḍiya, gr̥haṇiya hā upāsikāva)
Romans
- 1959 මළගිය ඇත්තෝ (maḷagiya ættō)
- 1962 වල්මත් වී හසරක් නුදුටිමි (valmat vī hasarak nuduṭimi)
- 1965 මළවුන්ගේ අවුරුදු දා (maḷavungē avurudu dā)
- 1971 ලොකු පුතා නොහොත් බන්දුලගේ පුරාවෘත්තය (loku putā nohot bandulagē purāvr̥ttaya)
- 1975 හෙට එච්චර කලුවර නෑ (heṭa eccara kaluvara nǣ)
- 1978 ඇඳිරිනීතිය සහ පුරහඳ (æn̆dirinītiya saha purahan̆da). Curfew and a Full Moon
- 1986 පාත්තරය සමඟ (pāttaraya saman̆ga). With the begging bowl
- 1987 දොළ මත පෙණ කැටි (doḷa mata peṇa kæṭi). Foam upon the Stream : A Japanese Elegy (traduction et adaptation anglaises de Maḷagiya ættō et Maḷavungē avurudu dā)
- 1988 විලාසිනීයකගේ ප්රේමය (vilāsinīyakagē prēmaya)
Essais
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2014 – Karim Aguenaou – Association Suravi (www.suravi.fr). D'après la Fondation du prix Ramon Magsaysay.
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