George Keyt [1901 ‒ 1993]
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Né à Kandy, George Keyt fait des études généralistes au Trinity College de Kandy, mais ne suit pas de cursus spécifiquement artistique, hormis ses études auprès de C.F. Winzer, à la fin des années 1920. Keyt est le peintre moderne srilankais le plus connu. Il est l'un des membres fondateurs du Groupe 43. Avec le peintre Geoffrey Beling, il est l'un des premiers artistes à adopter un langage cubiste dans l'art moderne srilankais. Son œuvre ancre l'idiome moderniste dans un langage pictural de type cubiste, qu'il mêle à des thèmes, des atmosphères et des motifs orientaux. Ses œuvres se font l'écho de l'aspect à la fois religieux et sensuel du paysage culturel srilankais, des mythologies hindoues, de l'univers des temples et des vieilles histoires bouddhistes. Elles ont joué un rôle central dans la vulgarisation de l'art moderne à Sri Lanka. Keyt peut être considéré au XXe siècle comme le « visionnaire oriental » de l'art moderne srilankais. [d'après le catalogue de l'exposition Cubisme : L'autre rive - Résonances en Asie à la MCJP © The Japan Foundation]
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Étude d’œuvresGeorge Keyt, avec son compatriote Geoffrey Beling, fut l’un des membres fondateurs du Groupe 43, créé en 1943 à Colombo. Considéré comme le père de la peinture moderniste au Sri Lanka, il était également poète. C’est par l’un de ses amis de longue date, le photographe Lionel Wendt (qui avait séjourné en Europe entre 1919 et 1924) que Keyt entendit parler des courants les plus récents de l’art européen, à commencer par le cubisme. En outre, il aurait acquis des connaissances concrètes dans ce domaine grâce à des reproductions d’œuvres de Matisse, Picasso, Braque ou Léger, publiées entre autres dans la revue Cahiers d’Art. Sous l’influence de ces œuvres, Keyt commença lui-même à peindre à partir de 1933. De cette année-là datent notamment une nature morte d’un format oblong rappelant le style de Braque [voir ci-contre], ou encore des femmes nues allongées, dessinées d’un trait fluide à la manière de Matisse. Dans l’œuvre présentée ici, Deux femmes, on décèle nettement l’empreinte des portraits de femmes que Picasso réalisait à la même époque.
Au début des années 1930, Picasso s’était lancé dans une recherche sur les thèmes du sommeil et du rêve, qu’il traitait à travers des portraits à un seul personnage (femme nue paisiblement allongée, les yeux fermés ; femme plongeant son regard dans un miroir), ou à deux personnages combinés (une femme endormie et une autre sortant du sommeil ; un homme – l’artiste – contemplant une femme qui dort). Les reproductions de ces œuvres récentes agrémentaient souvent les pages de certaines revues comme les Cahiers d’art. C’est probablement là que Keyt, pour son portrait des Deux femmes, trouva l’idée de superposer deux visages, l’un de face, l’autre de profil. Mais alors que Picasso fait fusionner en un seul et même visage de femme deux aspects différents de la physionomie de celle-ci, Keyt, quant à lui, se plaît à relier par des courbes douces soit deux visages féminins, soit deux corps. D’autre part, dans la série de portraits évoqués ci-dessus, Picasso cultive le thème de la conscience et du rêve (du sommeil) considérés comme des activités mystérieuses à l’œuvre dans les profondeurs du corps, et que personne, de l’extérieur, n’est capable de percevoir. En revanche, Keyt se concentre sur l’union sensuelle entre un individu et un autre, ou un individu et le monde. Chez cet artiste, les lignes du cubisme, qui ont généralement pour fonction d’analyser et de décomposer un sujet donné, se transforment en courbes magiques, capables d’opérer la fusion entre des objets séparés les uns des autres. Bientôt, le sortilège de ces lignes qui présentent, au moins partiellement, une filiation avec le cubisme, allait devenir chez Keyt un procédé essentiel permettant d’unir l’homme au règne animal, au règne végétal, et aussi aux divinités, tout en faisant renaître, à l’époque contemporaine, l’état d’extase chanté dans les mythes hindous et les vieux poèmes sanscrits. [Matsumoto Tôru, d'après le catalogue de l'exposition Cubisme : L'autre rive - Résonances en Asie à la MCJP © The Japan Foundation] |
Nature morte aux mangues (Still Life with Mangos) 1933
Huile sur toile 36,5 x 66,5 cm | Sapumal Foundation Deux femmes (Two Women) 1933
Huile sur toile 75,0 x 97,0 cm | Sapumal Foundation |