Histoire de la lèpre à Sri Lanka
L’histoire de la lutte contre la lèpre à Sri Lanka remonte à la colonisation néerlandaise. Devant la progression alarmante de cette maladie le long de la côte ouest de l’ile, le gouverneur Cornelis Joan Simons décide la construction d’une vaste léproserie à Hendala, à quelques kilomètres au nord de Colombo, près de l’embouchure du fleuve Kelani. C’est sous la gouvernance de son successeur, Hendrik Becker que la construction de la léproserie est achevée en 1708. L’isolement des patients est alors perçu comme la seule méthode efficace de lutte contre la transmission de la maladie.
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En 1895, face à la multiplication des cas de lèpre sur la côte orientale, les Britanniques – qui contrôle la totalité de l’ile de Ceylan depuis 1815 – ouvrent un service destiné à accueillir les lépreux au sein de l’hôpital de Kalmunai. En 1901, l’ordonnance n°4 rend également obligatoire l’isolement des patients.
Ne parvenant ni à freiner la progression de la maladie sur la côte orientale ni à garantir la stricte séparation des lépreux à l’hôpital de Kalmunai, l’administration coloniale décide de construire une léproserie sur l’une des iles de la lagune de Batticaloa. Le choix se porte sur Mantivu et le nouvel établissement est inauguré en 1921. Tous les patients lépreux de l’hôpital de Kalmunai y sont transférés.
La découverte en 1941 de l’efficacité de l’antibiotique dapsone sur la bactérie Mycobacterium leprae (ou bacille de Hansen) révolutionne la façon de concevoir la lutte anti-lépreuse. L’isolement des patients n’est plus jugé nécessaire. Les centres de traitement et les équipes mobiles jouent alors le premier rôle dans le cadre de programmes verticaux avec des personnels spécialisés et un dépistage actif. En 1954, un tel programme, l’Anti Leprosy Campaign (Campagne anti-lèpre, ALC), est mis en place par le gouvernement srilankais afin d’encadrer toutes les actions destinées à contrôler la propagation de la lèpre. À la léproserie de Hendala, l’hospitalisation sous contrainte cessera en 1977 et à partir de 1982, l’établissement n’accueillera plus de nouveaux patients.
Dès les années 60, la lutte basée sur la monothérapie à la dapsone devient difficile en raison de l’apparition de résistance à cet antibiotique. Au début des années 80, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) met alors au point un nouveau protocole thérapeutique : la polychimiothérapie (PCT). Cette PCT se fonde sur trois médicaments utilisés en association pour prévenir la résistance : rifampicine, clofazimine et dapsone.
La PCT est introduite en 1983 à Sri Lanka pour tous les patients diagnostiqués. En 1990, une campagne de marketing social est lancée afin de sensibiliser la population aux signes précoces de la lèpre et de dissiper les mythes entourant cette maladie. Ces actions ouvrent la voie à l’élimination de la maladie en 1995, faisant de Sri Lanka le deuxième pays de la région à atteindre cet objectif (le premier étant la Thaïlande). L’élimination de la lèpre en tant que problème de santé publique est définie par l’OMS comme un taux de prévalence inférieur à 1 cas pour 10 000 habitants.
Les activités de lutte contre la lèpre jusqu’alors mis en œuvre au sein de l’ALC sont intégrées au sein des services généraux de santé srilankais en 2001. Cependant, la maladie n’est pas éradiquée sur l’ile. Durant la dernière décennie, Sri Lanka a déclaré chaque année deux mille nouveaux cas. ※
À lire également :
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- Leprosy Situation in Sri Lanka. A weekly epidemiological report. Epidemiology Unit. Ministry of Health. Sri Lanka. 2014. [PDF]
- C. De. F. W. Goonaratna. Some historical aspects of leprosy in Ceylon during the Dutch period 1658-1796. Med. Hist. 15 : pp. 68-78. 1971. [PDF]
- C. De. F. W. Goonaratna. Some descriptions of leprosy in the ancient medical literature of Ceylon. Med. Hist. 17(3) : pp. 308–315. 1973. [PDF]
- The story of Hendala. Journal of the Dutch Burgher Union of Ceylon. Vol. XXXII No. 4. Avril 1943. [PDF]
- Austin Woodeson. Mantivu Leper Asylum, Batticaloa, Ceylon. Transactions of the Engineering Association of Ceylon. 1930. [PDF]
- D. Fraser-Harris. A Visit to the Leper Asylum, Hedala, Ceylon. Can Med Assoc J. 18(1):99-101. 1928.
- Papers Relating to Leprosy in Certain British Colonies. Colonial Office. 1909. [PDF]
2016 – Association franco-srilankaise Suravi (www.suravi.fr)
Retour de la lèpre
Les services sanitaires du Sri Lanka ayant de plus en plus négligé la lèpre depuis la fin des années 1990, les nombres de cas sont repartis à la hausse depuis la fin de la guerre civile. Une étude menée par FairMed parmi des déplacés tamouls a révélé des chiffres alarmants. [Voir la présentation de l'étude au 18e Congrès international de la lèpre de Bruxelles (2013)]
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Article publié dans le magazine de FairMaid,
Sur place, n° 203 | août 2013 |
Une atmosphère de renouveau règne au Sri Lanka. Après 26 ans de guerre civile, les 20 millions d'habitants de cet État insulaire vivent en paix depuis 2009. Le conflit a causé quelque 100 000 morts et laissé de nombreuses personnes handicapées. Et comme si cette population n'avait pas assez souffert, le tsunami de 2004 a frappé une large bande côtière. Mais grâce à une croissance économique annuelle de 8 % depuis la fin de la guerre cependant, on ne compte plus que 9 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté : une chiffre tout à fait positif dans le contexte régional.
Une ampleur inattendue
Considérant le très prometteur développement social, politique et économique, on pourrait croire qu'une maladie comme la lèpre, due à la pauvreté, n'aurait plus sa place au Sri Lanka. Depuis 1997 selon les autorités, le Sri Lanka maintient la maladie « sous contrôle ». Mais la réalité est hélas différente : quelque 2000 nouveaux cas de lèpre sont annoncés chaque année, et certains signes indiquent clairement que le nombre de cas officiellement rapportés est nettement en-deçà des estimations officieuses. En collaboration avec l'hôpital de district local de Puttalam, FairMed a conduit une étude sanitaire au début de cette année dans une communauté de musulmans tamouls déplacés. L'hôpital avait connu une multiplication d'affections dermatologiques, et FairMed a effectivement diagnostiqué la lèpre chez 70 des 900 réfugiés examinés. 30 de ces malades sont des enfants.
Maladies négligées
Les résultats alarmants de cette étude indiquent sans ambiguïté que le contrôle de la lèpre au Sri Lanka s'est relâché ces dernières années. Le personnel médical des hôpitaux périphériques et des centres sanitaires n'est qu'insuffisamment sensibilisé et formé, pour identifier à temps les symptômes cliniques de cette pathologie neurologique qu'est la lèpre. Il n'est procédé à aucune recherche active de cas ni à aucun dépistage systématique chez les proches des personnes infectées. Au Sri Lanka par ailleurs, les directives sur la lèpre prévoient que le personnel soignant et les centres sanitaires périphériques ne sont pas habilités à diagnostiquer ni à traiter les cas de lèpre. Les cas suspects doivent être confiés à une clinique dermatologique : un règlement inhabituel, considéré par FairMed comme une entrave. À quoi s'ajoutent les conséquences de la guerre : dans les régions tamoules du nord et de l'est du pays, la population a particulièrement souffert de la violence du conflit. Les maladies favorisées par la misère se sont répandues, les soins de santé ont été insuffisants et de nombreux personnes atteintes de la lèpre en ont subi des infirmités durables.
Interventions innovantes
Le ministère srilankais de la santé partage les soucis de FairMed quant au retour de la lèpre. Au début de cette année, s'appuyant du bureau de FairMed à Colombo, le programme national de lutte contre la lèpre a élaboré une stratégie ainsi qu'un plan d'action pour le contrôle et l'endiguement de la lèpre sur les années 2014 à 2016. FairMed participe à la mise en œuvre de ce plan d'action par des interventions innovantes, dans les zones particulièrement affectées et négligées. Deux collaborateurs de FairMed travaillent en outre comme conseillers techniques du programme national contre la lèpre. ※